Quel est le montant de l’indemnité de remploi qu’une banque peut vous réclamer en cas de remboursement anticipé d’un crédit professionnel ? La problématique des indemnités de funding loss.


Le contrat a été conclu après le 10 janvier 2014

L’emprunteur a le droit de rembourser anticipativement le crédit. L’indemnité réclamée ne pourra être supérieure à six mois d’intérêts calculés sur la somme remboursée, au taux fixé par le contrat lorsque le montant ne dépasse pas un million d’euros (ce montant a été porté à deux millions). S’il le dépasse, soit il s’agit d’un prêt à intérêts, auquel cas l’indemnité se limite à six mois d’intérêts, soit il s’agit d’une ouverture de crédit, auquel cas un mode de calcul de l’indemnité est fixé par un code de conduite auquel se réfère la loi [1]. Ce code a été adopté par l’UCM, l’Unizo et la Febelfin [2].

 

Le contrat a été conclu avant le 10 janvier 2014

L’emprunteur n’a pas toujours le droit de rembourser anticipativement le crédit. Il faut se référer au contrat. Votre banquier risque de vous réclamer une indemnité, fondée sur une clause contractuelle dite de "funding loss" dont vous n’avez sans doute jamais mesuré les implications financières.

La clause de "funding loss" comporte une formule de calcul de l’indemnité de remploi due par le client en cas de remboursement anticipé.

Cette indemnité correspond à la différence entre, d'une part, les intérêts que la banque aurait perçus jusqu'à la fin du crédit s’il n'avait pas été remboursé anticipativement et, d'autre part, les intérêts qu'elle pourra percevoir en replaçant le capital remboursé anticipativement sur le marché interbancaire pour la durée restant à courir. Les taux actuels du marché interbancaire étant quasiment nuls, l’indemnité sollicitée est souvent exorbitante. Il n’est pas rare que cette indemnité représente un montant de l’ordre du quart du capital qui est remboursé !

 

Comment pouvez-vous réagir ?

1. Vérifiez si vous avez bien accepté la clause de funding loss

Cette clause a-t-elle bien été acceptée par vous ? Si tel n’est pas le cas, cette clause ne vous sera pas opposable.

2. Invoquez l'article 1907 bis du Code civil

Cet article prévoit qu’en cas de remboursement total ou partiel d’un prêt à intérêts, il ne peut en aucun cas être réclamé à l’emprunteur une indemnité d’un montant supérieur à six mois d’intérêts calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention.

Or, en application d'une clause de funding loss, le montant de l'indemnité est très souvent largement supérieur au montant que représentent six mois d'intérêts.

La banque soutiendra de son côté que l'article 1907bis vise uniquement le "prêt à intérêts", et non les ouvertures de crédit. Vérifiez la qualification du contrat. Une fois le montant du crédit prélevé, le crédit peut s’analyser comme un contrat de prêt. La jurisprudence est divisée sur la question.

3. Invoquez arrêt de la cour de cassation du 24 novembre 2016

Dans cet arrêt, la cour de cassation a considéré que l’article 1907 bis du Code civil qui limite l’indemnité à six mois d’intérêt s’applique même si le contrat n’autorise pas un remboursement anticipé du montant emprunté.

4. Contester le mode de calcul du préjudice

La cour constitutionnelle, dans un arrêt du 7 août 2013, souligne que : « … dans le cadre d’un contrat d’ouverture de crédit, le crédité n’est pas dépourvu de tout moyen de droit afin de lutter contre les pratiques abusives du créditeur. En effet, il n’est pas exclu qu’il puisse mettre en cause la responsabilité de son bailleur de fonds, lorsque ce dernier exige une indemnité de remploi manifestement excessive » [3].

Vous pouvez, le cas échéant, soutenir que la banque fait preuve d’un abus de droit contractuel et engage sa responsabilité, en sollicitant l’application de la clause de funding loss, qui aboutit à créer dans votre chef un préjudice disproportionné par rapport au dommage réellement subi par la banque du fait du remboursement anticipé du crédit.

En effet, comme expliqué ci-dessus, l’indemnité correspond à la différence entre, d'une part, les intérêts que la banque aurait perçus jusqu'à la fin du crédit et, d'autre part, les intérêts qu'elle pourra percevoir en replaçant le capital remboursé anticipativement sur le marché interbancaire pour la durée restant à courir.

Or, la banque pourrait faire un usage plus rentable des fonds remboursés anticipativement, par exemple en les prêtant à d’autres clients, plutôt que de les replacer sur le marché interbancaire.

 

 

Roland Hardy

Avocat -   Médiateur agréé

 


[1] Articles 9 et 10 de la loi du 21 décembre 2013 sur le financement des petites et moyennes entreprises.

[2] Voy. www.ucm.be

[3] Arrêt n° 119/2013, p. 12.

 


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